Ou la création d’un nouveau ” genre” de parent par la cour d’appel de Montpellier
Le 14 novembre 2018, la Cour d’Appel de MONTPELLIER, dans sa formation la plus prestigieuse, a rendu pour une affaire extraordinaire présentée par Me Clelia RICHARD, une décision hors du commun.
Madame et Monsieur, mariés depuis 1999, ont deux enfants.
Monsieur devient Madame à l’état civil, sans qu’il lui soit imposé d’opération de stérilisation. Madame et Madame, qui restent mariées, ont alors un troisième enfant de leurs relations charnelles comme leurs deux premiers.
La question qui se posait à la Cour était de savoir si la filiation devait être établie envers la deuxième mère de l’enfant, et de quelle manière.
Le tribunal de Grande Instance de Montpellier avait refusé de transcrire sur l’acte de naissance de l’enfant la reconnaissance effectuée devant Notaire de la deuxième mère.
Ayant écarté l’hypothèse de l’adoption de l’enfant du conjoint, la Cour d’appel savait, au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant qu’il fallait trouver une solution pour inscrire l’enfant dans sa double filiation. Il en relevait également d’une mesure d’égalité vis à vis des deux frères aînés.
La Cour a été saisie de deux options : celle de faire inscrire la seconde mère en tant que « mère », ou celle de faire inscrire la seconde mère en tant que « père » (à savoir en la reliant à son « sexe d’origine » thèse soutenue par l’avocat de l’UDAF qui représentait l’enfant en procédure).
La Cour d’appel de Montpellier a choisi une troisième voie : celle de faire inscrire la seconde mère sur l’acte de naissance de l’enfant, mais en tant que « parent biologique » – devant être inscrite en ce sens sur l’acte.
Au-delà du caractère extraordinaire de l’espèce, sur lequel le code civil français n’a pas de disposition adaptée, il faut d’abord saluer les conseillers Montpellierains qui n’ont pas fui leurs responsabilités dans le vide législatif qui concerne la filiation des enfants nés après les transitions de genre de leurs parents. Les débats ont été très riches, l’enceinte judiciaire a pris le temps et la mesure d’un débat complexe mais passionnant, dans lequel l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de la filiation et le respect au droit de la vie privée sont imbriqués.
Ils ont fait œuvre créatrice de droit. Protégeant l’enfant (en l’inscrivant dans sa filiation) et respectant la seconde mère dans sa vie privée, elle a, pour autant, créé une nouvelle catégorie sur l’acte de l’état civil de l’enfant.
Dès lors, on s’interroge : pourquoi est-il si difficile de qualifier la seconde mère de « mère » à l’état civil ? Parce qu’elle n’a pas accouché de l’enfant ? parce qu’elle ne l’a pas adopté ? parce Madame était auparavant un homme ? parce qu’au moment de la conception de l’enfant l’une des deux femmes avait encore un pénis fonctionnel ?
Les conseillers montpelliérains interpellent le législateur -qui va réfléchir dans le cadre de la révision des lois de bioéthique sur un volet filiation- en lui demandant, indirectement, de repenser les catégories. Pourquoi les parents à l’état civil devraient-ils être genrés ? Et s’il n’existait que des « parents » ? parent « biologique », parent « d’intention », parent « adoptif » ? Dans la mesure où la solution trouvée par les juges de Montpellier pourrait se trouver généralisée, alors, en plus de l’avancée extraordinaire du cas d’espèce, il s’agirait en plus d’un véritable bond sociétal. A l’inverse, si cela ne devait concerner que les parents qui ont connu une transition et un changement d’état civil, cela ne pourrait qu’être discriminatoire et stigmatisant, tant pour le parent que pour l’enfant. Et la solution s’en trouverait intolérable.
Me Clélia RICHARD, avocate associée de l’AARPI Clavin-Richard